Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil est responsable de complications cardiovasculaires impliquant la dysfonction du système nerveux autonome. Toutefois, parce que la mesure standard utilisée pour évaluer la sévérité du SAHOS – l’indice d’apnées-hypopnées (IAH) – n’est pas suffisant pour prédire le risque cardiovasculaire et le risque de mortalité, plusieurs équipes ont travaillé à définir un nouvel indice qui caractérise l’hypoxie engendrée par les évènements respiratoires. Cet indice, c’est la charge hypoxique, que CIDELEC a choisi d’intégrer à son logiciel afin d’aider les professionnels du sommeil à optimiser leurs diagnostics. Explications.

La charge hypoxique, un indice pertinent pour évaluer le risque de morbi-mortalité liée au SAHOS

La pertinence du diagnostic, et la capacité du praticien à anticiper les éventuelles complications futures, constituent deux enjeux majeurs pour les patients souffrant d’apnées du sommeil. Afin d’apporter des informations complémentaires et d’améliorer les diagnostics en SAHOS, une équipe américaine a mis au point un mode de calcul de l’image du manque d’oxygénation dans le sang durant la nuit : la charge hypoxique.

L’étude américaine, parue en 2019 dans l’European Heart Journal, montre que la charge hypoxique prédit la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires chez les personnes qui souffrent du SAHOS. Elle souligne l’importance de la prise en compte de la durée et de l’intensité des désaturations engendrées les événements respiratoires, en plus de leur fréquence, pour estimer le risque de développer des maladies cardiovasculaires. En outre, cette étude a montré qu’une charge hypoxique supérieure à 71 % min/h multiplie le risque cardiovasculaire par 1,62 chez les patients de la cohorte Sleep Heart Health Study (SHHS).

L’étude de Azarbarzin, Sands, Stone et al. a très vite pris de l’ampleur et donné lieu à d’autres publications, ainsi qu’à des mentions de plus en plus nombreuses dans les congrès spécialisés. CIDELEC s’est rapidement intéressé à ce nouvel indice en tant qu’outil de complément au diagnostic d’apnée du sommeil. Conséquemment, il a été décidé de lancer de nouvelles investigations cliniques.

L’investigation autour de la charge hypoxique

Une équipe de médecins et de chercheurs, dont fait partie le professeur Frédéric Gagnadoux, chef de service de pneumologie du CHU d’Angers et ancien président de la Société française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS), a ainsi mené plusieurs études sur le sujet.

Pour ce faire, une cohorte de patients français suivis dans plusieurs centres de soins de la région Pays de la Loire a été utilisée pour mesurer l’association de la charge hypoxique avec l’incidence des accidents vasculaires cérébraux chez des patients explorés pour suspicion de syndrome d’apnée du sommeil. Elle avait été mise en place par l’Institut de Recherche en Santé Respiratoire de la région (IRSRPL), dont sont membres certains des médecins du CHU d’Angers ayant participé à l’étude.

Dans une première étude, les données de près de 3 600 patients, sans antécédent d’accident vasculaire cérébral (AVC), appariées à celles du Système national des données de santé (SNDS) afin d’identifier la survenue éventuelle d’accidents vasculaires cérébraux, ont été utilisées. L’étude, publiée dans l’European Respiratory Journal en novembre 2020 montre clairement une corrélation entre le manque d’oxygène pendant la nuit et l’augmentation du risque : les patients qui présentent une charge hypoxique élevée sont plus à risque de développer un AVC.

Cette étude a montré qu’une charge hypoxique supérieure à 45 % min/h multiplie le risque d’AVC par 2,59 par rapport aux patients ayant une charge hypoxique basse. En outre, une étude suivante a montré qu’une charge hypoxique supérieure à 31,6 % min/h augmente significativement le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs (MACE).

 

 

MACE : variable combinée d’AVC, d’infarctus du myocarde, d’insuffisance cardiaque et de mortalité toutes causes. Les travaux réalisés sur la cohorte nous ont semblé suffisamment significatifs pour décider d’intégrer l’indice de charge hypoxique au logiciel CIDELEC, à compter du 7 juillet 2022, d’autant plus que ce sont nos outils qui ont été utilisés pour mesurer la charge hypoxique dans ces travaux.

La charge hypoxique dans le logiciel CIDELEC

La charge hypoxique est évaluée automatiquement dans le logiciel CIDELEC. Elle est obtenue en considérant les aires sous la courbe des désaturations associés aux événements respiratoires.

Sa valeur est présentée dans le résumé de l’enregistrement, et une échelle présentée dans l’onglet « Bilan » permet de faciliter son interprétation.

Cette échelle est construite à partir des seuils proposés dans la littérature.

 

Un indice complémentaire à l’indice d’apnées-hypopnées

L’indice de charge hypoxique vient compléter l’indice d’apnées-hypopnées, qui ne permet pas d’estimer les risques de morbi-mortalité présentés par les patients souffrant du SAHOS. Dans l’exemple ci-dessous, deux patients ayant pourtant le même IAH ont des valeurs de charge hypoxique bien différentes.

 

Comme l’a confirmé l’étude réalisée, la charge hypoxique donne une indication pertinente quant au risque associé aux maladies cardiovasculaires, notamment les AVC. De quoi renforcer le diagnostic et améliorer la prise en charge des patients.

Pour conclure, la charge hypoxique, calculée en prenant en compte les désaturations dues aux événements respiratoires, a été démontrée comme pertinente pour estimer les risques cardiovasculaires. Cependant, il faut savoir qu’il n’existe à ce jour ni règle de calcul uniformisée, ni seuils de sévérité reconnus. C’est pourquoi la valeur obtenue doit être considérée au regard des résultats de la littérature.

Cet indice, utilisé en complément de l’indice d’apnées-hypopnées, est l’un des biomarqueurs qui permet de poser un diagnostic fiable et personnalisé. Pendant ce temps, la recherche se poursuit : la mesure de la charge hypoxique pourrait, dans l’avenir, aider les médecins à évaluer les risques liés à d’autres pathologies.